Un enfant
précoce
Sergueï
Prokofiev est né en Ukraine, à Sontsovka, le 27 avril 1891. Son père est
ingénieur et sa mère, pianiste, lui donne ses premiers cours de musique.
Consciente de son talent - il compose dès l’âge de cinq ans - elle
l’emmène étudier à Moscou avec Glière puis à Saint-Pétersbourg où il
rentre au conservatoire à l’âge de treize ans. Il y suit un enseignement
musical complet, avec notamment Rimski-Korsakov pour l’orchestration. Il
y reste dix ans avant d’obtenir, en 1914, le prix Rubinstein de
pianiste-compositeur avec son Concerto pour piano n° 1.
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Un jeune
musicien tourné vers le XXe siècle
Très jeune,
alors qu’il est encore élève au conservatoire, il montre un vif intérêt
pour la musique contemporaine occidentale. Il découvre Claude Debussy,
Max Reger, Richard Strauss ou encore Arnold Schönberg lors de soirées de
musique contemporaine organisées par le mouvement d’avant-garde. Ces
musiques sont pourtant parfois mal perçues par ses professeurs, mais peu
lui importe : il n’a pas peur de surprendre, voire de choquer,
enseignants et public. Ses compositions, à l’image de son jeu
pianistique, sont puissantes et fougueuses. Il y affirme un langage
audacieux, une écriture percussive et dissonante qui contraste avec des
passages lyriques, et un goût pour le grotesque et l’ironie. Certains
titres sont d’ailleurs évocateurs : Suggestion diabolique (1908),
Sarcasmes (1912-1914), Visions fugitives (1915-1917).
1918 : départ
pour l’Occident
À l’époque de
la révolution russe, Prokofiev préfère s’exiler; non pas pour fuir, mais
pour trouver un climat propice à la création. Alors qu’il vient de
diriger sa Symphonie n° 1 dite «classique», il part pour les États-Unis
où son origine soviétique attire le public. Son talent de pianiste est
rapidement reconnu. On parle de lui comme du «pianiste-titan» ou du
«Mendelssohn aux fausses notes». Mais ses œuvres sont mal comprises et,
même s’il obtient une commande pour un opéra, il décide de rejoindre
l’Europe.
https://pad.philharmoniedeparis.fr/0036697-biographie-serguei-prokofiev.aspx?_lg=fr-FR |
Symphonie n° 1 "Classique" en ré majeur, op.
25
Serge
Prokofiev a tout juste 27 ans lorsqu’il dirige la création de sa 1ère
Symphonie le 21 avril 1918 à Petrograd.
"Depuis
quelques temps, écrit Prokofiev dans son journal en mai 1917, j'ai
envisagé de composer ma "Symphonie classique" loin du piano, et tout le
travail que j'ai fait jusqu'ici je l'ai fait dans ma tête. Maintenant je
suis résolu à la finir. Il me semblait que composer avec ou sans piano
était simplement une question d'habitude, et que ce serait bien de
gagner plus d'expérience avec une œuvre peu complexe comme cette
symphonie. Je n'aurais pas besoin d'un piano non plus pour
l'orchestration du Concerto pour violon. C'est sur ce travail que je me
concentrerais pendant ce séjour à la campagne."
Après
quelques chutes de neige inopinées au début du mois de mai, enfin la
chaleur du printemps s'installe, et Prokofiev peut se remettre au
travail en alternant les séances à la table et les promenades dans la
campagne. Il écrit dans son journal : "J'ai
pensé à chaque moindre détail de l'orchestration du Concerto pour
violon, ce qui était une tâche facile et plaisante, et aussi, en
marchant à travers champs, j'ai composé la symphonie "classique". J'ai
mis sur le papier ce que j'avais déjà composé, mais par encore en
partition pour orchestre. Quand nos musiciens et professeurs à tendance
classique (mais à mon avis de faux-classiques) entendront cette
symphonie, ils vont sursauter et crier pour protester contre ce nouvel
exemple de l'insolence de Prokofiev, regardez comme il ne laisse même
pas Mozart reposer en paix mais vient le malmener avec ses sales pattes,
contaminant les pures perles classiques avec d'horribles dissonances
Prokofieviennes. Mais mes vrais amis verront que le style de ma
symphonie est précisément d'un classicisme mozartien et ils lui
accorderont sa vraie valeur, tandis que le public lui sera juste content
d'entendre une musique heureuse et sans complication, que bien sûr, ils
applaudiront !"
Prokofiev
termine sa symphonie vers le 10 septembre 1917, et il espère bien
qu'elle sera créée au mois d'octobre. Mais la Révolution d'octobre va
empêcher cette première, qui va être repoussée d'abord en novembre, puis
de plus en plus tard. Finalement le concert est programmé pour le mois
d'avril. C'est le compositeur qui tient la baguette. A la répétition
générale, alors qu'il monte sur l'estrade, il sent son visage baigné par
le soleil dont les rayons passent par une fenêtre en face de lui. Il est
un peu ébloui, il voit des cercles rouges devant ses yeux, mais il lui
semble que le soleil lui envoie des vœux pour sa symphonie héliophile et
pour lui-même.
Le 21 avril
1918, il fait beau à Petrograd ! Le concert est à deux heures. Le jeune
compositeur est lui-même à la baguette. Il s'en sort très bien. Il écrit
dans son journal "A nouveau, les mêmes rayons
de soleil. C'était incroyable ! Fantastique ! La symphonie a
merveilleusement réussi, et elle a eu un succès immense."
https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/musicopolis/1918-serge-prokofiev-creation-de-sa-symphonie-n01-1191439 |