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Vous avez dit : «activités artistiques» ?

On entend souvent : «À l’école enfantine, c’est formidable, les enfants ne font que du bricolage et de la peinture !» -  et pourtant…

On entend encore : «L’école enfantine est surtout un temps de socialisation, c’est avant l’entrée dans les apprentissages.» - et pourtant...

Dans un double degré comme la nôtre – 1E/2E – se côtoient des enfants qui viennent d’avoir 4 ans fin octobre (1E), et d’autres qui auront déjà 6 ans en novembre (2E ). Les enfants de 2ème enfantine observent avec effarement  les nouveaux venus de 1E, ceux  qui se sauvent plutôt que de venir sur le banc, certains qui hurlent en lançant les animaux de la ferme, parce qu’ils ne savent pas encore jouer, échanger un univers imaginaire et partager, d’autres qui courent dans la classe en criant «Non! j’ai pas envie !».

Ces mêmes élèves qui attendent le «travail» avec impatience, découvrent ce qu’ils étaient eux-mêmes il y a un an, ils ont grandi, ils ont envie de peindre, d’écrire leur prénom, de lire, de compter, de découvrir la vie des mammifères marins. Ils prennent conscience qu’ils peuvent patienter chacun à leur tour, qu’ils peuvent communiquer, qu’ils peuvent exprimer ce qu’ils imaginent, ce qu’ils pensent ou ce qu’ils souhaitent, de plus qu’ils peuvent se faire comprendre et entendre.

Je souhaite par ces quelques lignes présenter ce que sous-tend cette exposition de personnages, intitulée : «Tous différents».

C’est la première activité de peinture préparée : nous avons d’abord rappelé les différentes parties que présentait un visage (les yeux, le nez, la bouche, les cheveux qui entourent le visage), cette première partie souligne aux élèves de 1E que la tête d’un bonhomme n’est pas qu’un rond. Tous les matins, sur les bancs, la motricité du visage est exercée par de petits exercices : la bouche qui remonte (pour sourire), les commissures des lèvres que l’on baisse (parce qu’on est triste), les sourcils qui se froncent (parce qu’on réfléchit, ou on est très sévère, même fâché), le front qui se plisse (parce qu’on est étonné), les joues se gonflent (parce qu’on soupire), on bâille, etc…

Dans un deuxième temps, nous avons relevé en nous observant mutuellement et à travers les livres qu’un visage contient un personnage : un homme, une femme, un enfant, une personne âgée ; mais encore une humeur (triste, content, sévère, fâché, etc.). Cette étape a fait l’objet d’une réflexion sur les différences, mais aussi sur l’expression des sentiments : réciter une comptine l’air très content, ou très triste, ou très fâché.

Finalement, les élèves se sont exercés à dessiner différents personnages sur des feuilles de brouillon, puis nous avons passé à la peinture, la consigne étant  «imaginer 3 personnages» : trois taches roses pour les visages, trois taches bleues dessous pour figurer le tronc. Puis, il a fallu attendre que la peinture sèche, pour ensuite dessiner les visages au feutre indélébile.

Ainsi les élèves de 2ème enfantine n’ont eu aucun mal à comprendre qu’il fallait attendre pour dessiner les personnages, ils ont observé comment créer le rose, ils ont suivi le protocole : 3 taches…

Mais ils ont aussi découvert que leurs camarades de 1ère enfantine avaient trop envie de faire des fleurs, que certains ont même fait des monochromes roses, parce que c’est vraiment trop beau, que d’autres ont recouvert le rose de bleu, et pourquoi Sidony a fait 4 taches et non pas 3 ou pourquoi Aglaé ne veut pas faire de peinture…

Quand tous les personnages étaient accrochés au mur, encadrés de bleu par la maîtresse, c’était beau, et finalement maintenant Sidony sait compter jusqu’à 5 et même Aglaé sait faire un bonhomme !

 

Ainsi une activité de peinture qui paraît bien anodine révèle que l’école enfantine est bien l’entrée dans les apprentissages à travers la socialisation, ou la socialisation à travers les apprentissages…

Marie-Rose Campos

 Des visages différents...