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Le vilain Bébé Hyène

 

Il était une fois, dans la savane africaine, une maman hyène qui recherchait ses petits égarés à la suite d’une charge d’un troupeau de buffles enragés qui avaient semé le chaos sur leur passage.

Dans sa recherche, elle aperçut un bébé plus clair et plus gros que les autres. Aussitôt, elle décida de le mettre en sécurité avec ses petits sur un monticule entouré d’arbres.

Une fois le calme revenu, les petits regardèrent autour d’eux en ouvrant grand les yeux : le monde leur paraissait immense !

- Et vous ne voyez pas tout ! leur dit la maman hyène en ricanant froidement. Le monde s’étend bien au-delà de la plaine. Hinhinhinhinhinhin... mais je ne suis jamais allé si loin... Hinhinhinhinhinhin...

 

Une vieille Hyène des environs passa lui rendre visite.

- Oh ! Mais qu’est-ce que c’est que ce petit que tu as là ma pauvre ? Qu’il est vilain, avec ses grosses pattes, cette couleur claire, dit-elle en le reniflant... Hinhinhinhinhinhin... Affreux, horrible... Il vaut mieux le laisser, crois-moi ! Il n’est pas comme nous, il ne voudra jamais manger des carcasses ! Occupe-toi donc des autres plutôt ! Hinhinhinhinhinhin...

Mais la maman répondit :

- Maintenant que j’ai commencé autant continuer. Il s’y fera qu’il le veuille ou non ! Hinhinhinhinhinhin...

 

Un peu plus tard, sa mère le regarda très étonnée : il était vraiment beaucoup plus grand que ses frères, mais surtout très laid.

- Oh ! mais tu m’as tout l’air d’un étrange animal toi ! s’exclama-t-elle, on va tout de suite savoir si tu es comme nous ! Allez ! A table, il reste un cadavre de zèbre pas très loin d’ici. Hinhinhinhinhin...

Et elle l’emmena avec ses autres petits au pied d’un arbre où se trouvait la carcasse. Tous ses petits commencèrent aussitôt à manger sauf notre ami le plus laid. Ce dernier ne supportait pas cette odeur nauséabonde que dégageait les restes de l’animal. Il semblait dégoûter. Mais, il finit par en manger tellement il avait faim.

En voyant la difficulté et le dégoût avec lesquels cet étrange rejetons se nourrissait, la mère se dit :

- Ce n’est pas un des nôtres ! Ça, c’est sûr ! Alors qu’est-ce que c’est ?

Enfin on verra bien ! Allez, les enfants, venez maintenant que je vous présente à tous les charognards du coin. Hinhinhinhinhin...

Et ils trottinèrent à la queue leu leu jusqu’à un groupe composé de hyènes et de vautours qui se battaient pour les restes d’une gazelle.

 

Dès que les autres hyènes les aperçurent, ils s’écrièrent :

- Oh, regardez le gros ! ce qu’il est laid, d’où sort-il celui-là ?

- On ne va tout de même pas garder ça dans notre famille ! En plus on dirait qu’il est malade, il est tout pâle ! ricana l’une des hyènes en s’avançant. Elle donna un méchant coup de griffe au petit qui n’était pas comme les autres.

La maman furieuse redressa aussitôt la tête et prit sa défense.

 - Laissez-le donc tranquille, il n’a fait de mal à personne ! Hinhinhinhinhin... 

Le plus vieux des mâles du groupe, qui était respecté de tous, s’approcha d’elle en boitillant.

- Ce sont de beaux enfants que vous avez, hinhinhinhinhin..., à part ce gros-là qui est vraiment, vraiment... excusez-moi, hinhinhinhinhin.. mais qui n’est pas très réussi !

 - Réussi ou pas, c’est tout de même mon petit, hinhinhinhinhin..., dit la mère hyène, un peu vexée.

 

Les semaines passèrent, et le vilain bébé hyène devint peu à peu le souffre-douleur de tous ; les vautours le piquaient et le bousculaient ; et même ses propres frères et soeurs en avaient honte et voulaient le chasser.

Un soir, l’un d’eux alla même jusqu’à dire :

- Si seulement un éléphant pouvait l’écraser !

En entendant cela, la mère prit à part le pauvre petit :

 - Il vaudrait mieux pour tout le monde que tu t’en ailles loin d’ici ! dit-elle d’un ricanement nerveux... hinhinhinhinhin...

Alors le malheureux petit animal n’eut plus qu’à s’éloigner par-delà les arbustes qui bordaient le monticule.

 

Au matin, l’un des zèbres qui paissaient de l’herbe fraîche, en le regardant de plus près, lui dit :

 - Ce que tu peux être laid !

 - Beaucoup trop laid en effet pour faire partie de notre savane.

 

L’affreux petit se promena un moment, puis il rencontra deux jeunes guépards :

- Comment est-il possible d’être aussi  laid ! dit l’un d’eux en pouffant de rire.

- Viens donc avec nous, on va te montrer à nos amis, cela les amusera beaucoup, gloussa l’autre...

 

A ce moment, le barrissement d’éléphants retentit. Affolés, les deux guépards s’enfuirent à toute vitesse laissant notre jeune bébé hyène seul. Apeuré, le petit se cacha dans un buisson épineux et mit sa tête entre ses pattes. Soudain, un éléphant surgit ; il avait d’énormes défenses et de méchants yeux brillants ; il approcha sa trompe tout près de lui, écarta violemment les oreilles, mais finalement s’en alla sans même le toucher.

- Je suis si laid que même l’éléphant ne veut pas de moi, soupira le bébé hyène plus désespéré que soulagé.

 

Ce fut seulement lorsque le calme revint tout à fait qu’il se redressa et quitta le buisson. Le vent s’était mis à souffler violemment et le faisait trébucher. Au soir, il parvint à une misérable case isolée. Le petit pouvait à peine tenir debout dans la tempête mais, tant bien que mal, il réussit à atteindre la porte et à se glisser à l’intérieur pour s’abriter. 

Une vielle femme vivait là en compagnie d’un chat et d’une poule. Le chat faisait le gros dos, ronronnait, la poule pondait toujours de très beaux oeufs et la vieille femme les aimait tous les deux comme s’ils étaient ses enfants. 

 

Au matin, la poule et le chat remarquèrent tout de suite le bébé hyène. L’une fit terrorisée : Cot cot cot ! en se réfugiant sur le toit de la case ! Et l’autre ajouta : Miaou ! en hérissant tous les poils de son corps... La vieille l’aperçut à son tour et s’écria :

- Tu fais peur à mes compagnons, loin ! Du balais ... ouste !

Désespéré, rejeté à nouveau, notre jeune ami s’en alla tristement..., personne ne voulait de lui.

 

Bientôt la saison sèche s’installa. Les feuilles jaunies tombèrent, emportées par le vent ; la chaleur devint de plus pesante, étouffante. Un soir, il y eut un magnifique coucher de soleil. Notre bébé hyène, émerveillé, le contemplait, lorsqu’il vit surgir des buissons un groupe de grands fauves majestueux, l’un d’entre eux avait une superbe crinière éblouissante. C’étaient des lions. Ils poussèrent leur rugissement, et s’en allèrent gracieusement. On ne sut jamais par quel miracle il survécut à cette saison sèche.  Les brises enfin se levèrent et adoucirent la température. Le soleil se montra moins fréquemment, la saison des pluies était revenue.

 

Un matin, il se retrouva dans une prairie splendide où les fleurs répandaient mille parfums. A un point d’eau, que vit-il? De superbes lions qui buvaient le plus tranquillement du monde. Le bébé hyène les reconnut tout de suite. C’étaient ceux qui l’avaient tant émerveillé à la saison sèche. Il remarqua qu’il manquait celui qui avait une magnifique crinière. Irrésistiblement attiré par eux, il s’approcha :

 - Tant pis s’ils se moquent de moi, tant pis s’ils me chassent et tant pis même s’ils me tuent, pensait-il en les rejoignant. Je préfère encore cela à la solitude ou à la haine des autres animaux !

Les fauves merveilleux l’aperçurent et vinrent à sa rencontre.

 - Tuez-moi si vous voulez ! leur cria-t-il en penchant sa tête.

En faisant ce mouvement, il aperçut une image à la surface de l’eau. Mais quelle surprise soudain, son reflet n’était plus celui d’un vulgaire petit hyène laid... mais celui d’un beau lion à la crinière éclatante. Il ne comprit pas tout de suite que c'était bien lui qu’il voyait, lui qui avait grandi et changé. Il était devenu un lion que les autres à présent caresseraient tendrement.

 

Une girafe qui passait par-là s’écria :

- Regardez ! Regardez, il y a un nouveau roi !

- Oh oui, et c’est le plus beau ! s’émerveilla un zèbre.

 

Le jeune Lion que tout le monde avait toujours pris pour un affreux bébé hyène sentit alors une vague d’amour lui submerger le coeur. Il laissa le soleil chauffer son corps et gonfler sa crinière et pensa en levant la tête vers le ciel :

- Jamais, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je connaîtrais un tel bonheur.

- Moi le vilain bébé hyène, je suis devenu  le roi des animaux !

   

Le vilain petit Canard... en Australie