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Le vilain petit Canard... en Australie!

 

Cette histoire commença par un bel été dans le bush, plaine semi-désertique de l’Australie, dans la région d’Ayers Rock. Les Aborigènes appellent cette montagne sacrée : Uluru.

Au pied d’une falaise se trouvait un étang, que les aborigènes appellent : billabong. Cet endroit était si calme et abrité qu’une maman cane l’avait choisi pour couver.

 

Elle était là depuis déjà longtemps et commençait à s’ennuyer quand enfin un matin... craquèrent les oeufs; les petits canetons, l’un après l’autre, sortirent de leur coquille, regardèrent autour d’eux en ouvrant grand les yeux : le monde leur paraissait immense !

- Et vous ne voyez pas tout ! leur dit la cane. Le monde s’étend bien au-delà des rochers, ouin ouin..., mais je ne suis jamais allé si loin... ouin ouin... Êtes-vous bien tous là, mes petits ?

La cane jeta un coup d’oeil sous son ventre. Le plus gros des oeufs ne s’était pas encore ouvert.

- Qu’attend-il donc pour sortir celui-là ? Je commence à en avoir assez ! dit-elle en se recouchant dessus.

 

Une vieille cane des environs passa lui rendre visite.

- Oh ! Mais c’est sûrement un oeuf de Brush-turkey, le dindon australien, ouin, ouin..., que tu couves là, ma pauvre. Il vaut mieux le laisser, crois-moi ! Les dindonneaux ont peur de l’eau, il ne voudra jamais nager ! Occupe-toi donc des autres plutôt ! Ouin, ouin...

Mais la maman répondit :

- Maintenant que j’ai commencé autant continuer. Il ne devrait plus tarder ! Ouin, ouin...

 

Le lendemain, en effet : crack, crack, l’oeuf se fendit et bientôt le dernier apparut.

- Pip, pip, fit-il en sortant de sa coquille. Sa mère le regarda très étonnée : il était beaucoup plus grand que ses frères - mais surtout très laid.

- Oh ! mais tu m’as tout l’air d’un dindonneau, toi ! s’exclama-t-elle, on va le savoir tout de suite. Allez ! A l’eau ! Ouin, ouin...

Et elle l’emmena avec ses autres petits, au bord de l’étang. Tous les canetons et même le plus laid commencèrent aussitôt à nager joyeusement.

- Si ce n’est pas un dindonneau, alors qu’est-ce que c’est ? Enfin on verra bien ! Allez, les enfants, venez maintenant que je vous présente à tous les habitants qui se trouve autour du billabong, ouin, ouin...

Et ils trottinèrent à la queue leu leu jusqu’à l’étang.

 

Dès que les autres canards les aperçurent, ils s’écrièrent :

- Oh, regardez le gros ! ce qu’il est laid, d’où sort-il celui-là ?

- On ne va tout de même pas garder ça dans notre famille ! cancana l’une des canes en s’avançant, et elle donna un méchant coup de bec au petit qui n’était pas comme les autres.

La maman furieuse dressa aussitôt le cou et prit sa défense.

- Laissez-le donc tranquille, il n’a fait de mal à personne ! Ouin, ouin...

Le plus vieux des canards de la région, qui était respecté de tous, s’approcha d’elle en boitillant.

- Ce sont de beaux enfants que vous avez, ouin, ouin..., à part ce gros-là qui est vraiment, vraiment... excusez-moi, ouin, ouin... mais qui n’est pas très réussi !

- Réussi ou pas, c’est tout de même mon caneton, ouin, ouin..., dit la maman cane, un peu vexée.

 

Les semaines passèrent, et le vilain petit canard devint peu à peu le souffre-douleur de tous; les émeus, sorte d’autruche australienne, le pinçaient et le bousculaient ; le dindon orgueilleux se précipitait sur lui en gonflant son jabot pour lui faire peur, et même ses propres frères en avaient honte et voulaient le chasser.

Un soir, l’un d’eux alla même jusqu’à dire :

- Si seulement les dingos, chiens sauvages, pouvaient le dévorer !

En entendant cela la mère prit à part le pauvre petit:

- Il vaudrait mieux pour tout le monde que tu t’en ailles loin d’ici ! Ouin, ouin...

Alors le malheureux caneton n’eut plus qu’à s’éloigner par-dessus les rochers qui entouraient le billabong.

 

Au matin, l’un des canards sauvages des marais voisins, en le regardant de plus près, lui dit :

- Ce que tu peux être laid ! Ouin, ouin...

- Beaucoup trop laid en effet pour faire partie de notre famille, ouin, ouin ! lança le plus vieux en prenant son envol suivi par tous les autres.

 

Le petit canard se promena un moment, puis il rencontra deux kookaburras perchés sur un arbre au bord d'un point d’eau.

- Comment est-il possible d’être aussi laid ! dit l’un d’eux dans un grand éclat de rire prolongé. Puis l’autre, en s’esclaffant, lui dit à son tour :

- Viens donc avec nous, on va te montrer à nos amis, cela les amusera beaucoup... Tous les deux rirent encore fort.

 

A ce moment, des boomerangs sifflèrent dans le ciel, et les kookaburras affolés s’envolèrent, fuyant de tous les côtés. C’étaient des chasseurs, des aborigènes accompagnés de leurs chiens : des dingos apprivoisés.

Le petit canard, caché dans les roseaux, se mit la tête sous l’ailes.

Soudain, un chien énorme surgit ; il avait la langue pendante et de méchants yeux brillants ; il approcha sa gueule tout près de lui, montra ses crocs luisants, mais finalement s’en alla sans même le toucher.

- Je suis si laid que même le dingo ne veut pas de moi, soupira le caneton plus désespéré que soulagé.

Ce fut seulement lorsque le calme revint tout à fait qu’il se redressa et quitta la marre. Le vent s’était mis à souffler violemment et le faisait trébucher.

 

Au soir, il parvint à une misérable cabane de mineurs, chercheurs de pierres précieuses : les opales.

Le caneton pouvait à peine tenir debout dans la tempête mais, tant bien que mal, il réussit à atteindre la porte et à se glisser à l’intérieur pour s’abriter.

Un vieil homme vivait là en compagnie d’un chat et d’une poule.  Il n’avait qu’eux comme compagnons. Personne d’autre ne vivait à moins de cent kilomètres à la ronde.

 

Le chat faisait le gros dos, ronronnait, la poule pondait toujours de très beaux oeufs et le vieux mineur les aimait tous les deux comme s’ils étaient ses enfants.

Au matin, la poule et le chat remarquèrent tout de suite le caneton. L’une fit : Cot cot cot ! Et l’autre ajouta : Miaou !... Le vieux l’aperçut à son tour et s’écria :

- Ben, me voilà chanceux ! Je vais enfin avoir des oeufs de cane... sauf si c’est un canard. Attends de voir !

 

C’est ainsi que le caneton eut le droit de rester là quelque temps, mais il n’y fut pas très heureux non plus.

La poule et le chat se comportaient comme les seigneurs de la maison.

La poule lui demanda :

- Pouat, pouat, tu sais pondre un oeuf toi ?

- Non, répondit le caneton.

Et le chat lui dit :

- Miaou, tu sais ronronner, toi ?

- Non plus, fit le petit canard un peux honteux.

Plus tard, il eut envie de leur parler de la délicieuse sensation de nager, de barboter, de plonger...

- Tu es fou ! pour quoi faire ? dit le chat.

- Quelle idée stupide ! fit la poule d’un air méprisant.

- Vous ne pouvez pas comprendre, murmura le caneton tristement. Il savait bien qu’il ne saurait ni ronronner ni pondre!

Désespéré, rejeté à nouveau, il décida de s’en aller.

 

Bientôt la saison sèche s’installa. Les feuilles jaunies tombèrent, emportées par le vent ; la chaleur devint de plus en plus mortifiante. Heureusement, la nuit lui permettait de reprendre son souffle, de se rafraîchir.

 

Un soir, il y eut un magnifique coucher de soleil. Le petit canard, émerveillé, le contemplait, lorsqu’il vit surgir des buissons un groupe de grands oiseaux majestueux, d’un noir éblouissant, au long cou souple et fin: c’étaient des cygnes.

Ils poussèrent leur cri bien particulier, déployèrent leurs ailes gracieuses et s’envolèrent vers un endroit plus clément.

 

On ne sut jamais par quel miracle il survécut à cette saison  de sécheresse.

 

Le climat enfin finit par s’adoucir, c’était le temps de la saison des pluies. la saison ou la nature allait se régénérer, le désert fleurir.

 

Un matin, il se retrouva dans un endroit splendide où les fleurs répandaient mille parfums. Et sur l’eau calme d’une mare, que vit-il ? De superbes cygnes noirs qui glissaient le plus gracieusement du monde. Le caneton les reconnut tout de suite. C’étaient ceux qui l’avaient tant émerveillé à l’automne, et, irrésistiblement attiré par eux, il s’approcha :

- Tant pis s’ils se moquent de moi, tant pis s’ils me chassent et tant pis même s’ils me tuent, pensait-il en les rejoignant. Je préfère encore cela à la solitude ou à la haine des autres animaux !

Les oiseaux merveilleux l’aperçurent et vinrent à sa rencontre.

- Tuez-moi si vous voulez ! leur cria-t-il en penchant sa tête sur l’eau. Mais quelle surprise soudain, son reflet n’était plus celui d’un vulgaire oiseau gris et laid... mais celui d’un beau cygne au plumage noir éclatant. Il ne comprit pas tout de suite que c'était bien lui qu’il voyait, lui qui avait grandi et changé.

Il était devenu un cygne que les autres à présent caresseraient de leur bec.

Puis des enfants aborigènes arrivèrent et jetèrent du pain dans l’eau ; l’un deux s’écria :

- Regardez ! Regardez, il y en a un nouveau.

- Oh oui, et c’est le plus beau ! s’émerveilla une petite fille.

Le jeune cygne que tout le monde avait toujours pris pour un affreux caneton sentit alors une vague d’amour lui submerger le coeur. Il laissa le soleil chauffer et gonfler ses plumes, étendit ses ailes et pensa en levant la tête vers le ciel :

- Jamais, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je connaîtrais un tel bonheur, moi le vilain petit canard !

 
   

Le vilain Bébé Hyène